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La biographie de Pierre Lachkar,

peintre toulousain


La Galerie de Pierre Lachkar, peintre toulousain :

une magnifique collection de tableaux d'un peintre contemporain, qui vous promènera de Jérusalem à Toulouse, en passant par Collioure... Cliquez sur ce Lien pour pouvoir regarder en ligne les tableaux de l'artiste.

pour voir les photos du vernissage de l'exposition 2006, quai de la Daurade à Toulouse


Pierre Léoutre

Pierre Lachkar, peintre toulousain : UNE VIE D'ARTISTE

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INTRODUCTION

André Masson définissait ainsi le "paradoxe du peintre : affirmateur du mouvement et de l'éphémère, il se trouve qu'il doit, de toute manière, vouloir éterniser" ; et c'est pourquoi cet Art de la peinture est l'un des plus difficiles, et encore la source des émotions les plus belles et les plus pures. Ayant à Toulouse des amis peintres, l'idée m'est naturellement venue de parler avec l'un d'entre eux sur ce qui peut former la vie d'un peintre, d'évoquer aussi, bien entendu, la peinture et sa peinture ; il en résulte ce texte, transcription d'un dialogue, fruit d'un commentaire d'images et d'une amitié.

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Pierre Lachkar est né le 5 juin 1945 à Fès, au Maroc. Autodidacte, il pratique le dessin et la peinture depuis l'âge de huit ans. En 1967, il s'installe en France, à Toulouse, et commence à être sollicité à plusieurs reprises par le Centre Communautaire Juif de cette ville, pour la réalisation de décors de théâtre (Le plombier de Tel Aviv ; Le Journal d'Anne Franck ;

Il était une fois un Hassid ; Dreyfus, de J.-C. Grumberg). À partir de 1980, Pierre Lachkar ee un peu partout en France, ainsi qu'en Espagne ; il présente des peintures à l'huile, des créations personnelles qui sont principalement d'inspiration biblique, mais font aussi la part belle à la ville de Toulouse, dont il arpente les rues ; peintures établies sur la lumière, la couleur, le mouvement, l'architecture et le symbole, et qui révèlent chez l'artiste la recherche d'une perfection.

Pierre Lachkar est aujourd'hui le créateur d'une oeuvre picturale importante, qui a donné lieu à de multiples expositions et a été reconnue en 1991 par l'attribution de la Médaille d'Or du Salon des Méridionaux de Toulouse, l'une des principales manifestations du milieu artistique dans le Sud-Ouest. Maintenant, il continue à travailler, à franchir de nouvelles étapes, à traverser de nouveaux cercles.

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Pierre Lachkar est mon ami. Lorsque je le vois, accablé ou fébrile, marchant dans une rue de Toulouse, je pense à un enfant un peu perdu, à un vagabond aussi, l'un de ces vagabonds qui lui inspirent tant de compassion ; et comme je connais bien Pierre Lachkar, je sais que ce personnage toulousain qui déambule possède sous son masque d'humain la sensibilité de l'artiste ; c'est pourquoi j'ai pensé qu'il serait bon d'écouter parler ce peintre : à une époque où règnent trop d'indifférences et d'illusions, il est sans aucun doute nécessaire de prendre le temps d'entendre des gens comme Pierre Lachkar. Il ne s'agit pas ici d'écrire une biographie comme l'on pourrait le faire sur Van Gogh, ce monument que Pierre Lachkar aime tant ; surtout, il n'est pas un peintre qui a fini de peindre : il s'agit simplement d'un homme qui, entre deux promenades dans les rues ensoleillées de Toulouse, s'arrête à la terrasse d'un café pour nous livrer quelques confidences ; et tant que des choses comme cela seront possibles, nous pourrons continuer à aimer la vie. Écoutons maintenant Pierre Lachkar, il va nous parler de peinture et d'amour.

 

Pierre Léoutre (Toulouse, 1997)

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Vincent Van Gogh

J'ai envie de parler de ma démarche dans la peinture, bien sûr, mais aussi de ma vision de l'Art en général, vis-à-vis d'autres peintres, qu'ils soient juifs ou non, mais des peintres qui ont marqué notre temps et notre siècle. Je pense que la peinture est vitale, pour moi et aussi pour les gens, car ils ne disposent plus de moyens d'expression autre que l'Amour, en vérité, est un sentiment qui se perd. Je suis persuadé que l'on va maintenant s'attacher davantage à des oeuvres d'art, pour retrouver à travers elles l'Amour, et la foi de la persévérance dans la vie. Car pour pouvoir continuer à peindre est nécessaire une grande persévérance : j'ai vécu et j'ai subi des situations difficiles et si j'ai pu reprendre mes pinceaux, si je me suis occupé d'un Salon et de nombreuses autres activités, c'est parce que quelque chose me propulsait, sûrement la foi et l'Amour ; c'est en tout cas ce que je pense, et ce que j'affirme à travers mes toiles.

Une amie m'a dit tout à l'heure au téléphone que pour voir la peinture, pour voir si un peintre a du talent, il suffit de regarder la personne, il existe un lien. C'est vrai qu'il existe des peintres qui sont totalement opposés à leur peinture, mais il est trop facile de dissocier l'oeuvre et son auteur. À travers mes oeuvres, je raconte ma vie, par exemple il est important que je sois né au Maroc, pays où l'on trouvait une lumière incroyable ; je songe d'ailleurs à d'autres peintres, comme Matisse qui a vécu au Maroc, ou bien Delacroix en Algérie, il existe plusieurs grands maîtres qui ont été influencés par de beaux paysages méditerranéens, la chaleur, la lumière. La vie du peintre est importante ; mais il ne la choisit pas.

Mes études d'architecture ont également influencé ma peinture au point de vue technique, je sais tracer une ligne droite... dans l'initiation de l'Art, dans le dessin, il faut apprendre à tracer une droite ; l'architecture, c'est aussi se projeter dans l'espace, cela compte beaucoup lorsque tu veux créer.

J'ai commencé à peindre à l'âge de dix ans : tout petit, j'ai été immédiatement attiré par le dessin, lorsque j'ai vu des reproductions du vieillard accablé ou du paysan de Van Gogh. À dix ans, ou huit ans je crois, j'ai été inspiré par la force de la ligne chez ce peintre : Van Gogh était un grand dessinateur et dans le vieillard accablé, cette force du caractère, du tempérament, ce personnage qui se tient la tête entre les mains possède une énergie incroyable ! Je ne sais pas comment j'ai pu percevoir ce phénomène très jeune ; mais j'estime que cela me donna envie d'exprimer la même chose, parce que Van Gogh était en relation très forte avec la vie, avec les angoisses des personnes, les antagonismes de l'existence, et tout de suite, j'ai ressenti cette envie d'aller au-delà, et de peindre. Van Gogh, c'est quelque chose de fabuleux dans la force, dans la forme d'expression des lignes, et aussi la maîtrise des couleurs ; je crois aussi qu'il nous donne des leçons d'amour. Apprécier Van Gogh n'est certainement pas très original mais moi, à huit ans, je ne savais pas que sa toile les Tournesols aurait autant de succès.

Outre Van Gogh, je suis attiré par l'impressionnisme, ce qui transparaît dans mes propres tableaux : l'impressionnisme a marqué le départ du mouvement dans la peinture, mouvement qui est synonyme d'émotion, d'expression plus en relation avec la pensée, la spiritualité... Je citerai aussi Malevitch, monochrome, l'hyperréalisme... Et Magritte, un peintre complètement rejeté de son vivant, absolument incompris... ce qui est peut-être, d'ailleurs, le propre du peintre...

Pour en revenir à mes débuts, j'ai perdu mon père très jeune, j'avais quinze ans : tout s'est écroulé à sa mort, mes soeurs étaient encore plus jeunes que moi. J'ai eu besoin de m'accrocher, de gagner de l'argent, vite, pour assumer mes responsabilités de soutien de famille. J'ai trouvé cette École des Beaux-Arts, où normalement trois années d'études en Architecture étaient nécessaires ; pourtant, j'ai pulvérisé les records, pour rapidement m'intégrer à la vie sociale, trouver un travail et gagner trois cents francs par mois en suivant un stage de béton armé ; j'ai suivi une carrière de dessinateur projeteur, et je suis titulaire d'un diplôme d'architecture qui doit dater des années 65. Travaillant dans le bâtiment, je suis lancé dans une existence qui déjà ne m'appartient plus, c'est-à-dire que je suis obligé de me prendre en charge, en laissant pratiquement de côté ce qui est important pour moi ; peut-être que j'aurais pu continuer mes études et devenir un grand architecte, avoir des responsabilités beaucoup plus prononcées, beaucoup plus fortes... Mais il est vrai que la peinture est aussi une grande responsabilité ! Et elle est toujours là, qui me suit comme l'oeil... Je fais une référence biblique car je suis Juif et pour moi, être Juif, cela représente quelque chose de formidable. Je suis croyant, ma mère est très mystique et moi-même, je tends vers un certain mysticisme car j'y trouve des valeurs incroyables : c'est une forme de poésie, une tradition à laquelle il faut s'attacher car l'on trouve toute la beauté, toute la révélation divine, des couleurs. J'ai beaucoup étudié la Torah.

J'aime évoquer mon passé, ce que je n'avais jamais fait jusqu'à présent. Actuellement, je suis en pleine évolution. Je suis bouleversé par plusieurs déceptions amoureuses auxquelles je ne m'attendais pas et qui ont bousculé mon système de pensée, peut-être aussi ma peinture. Je pense que mon art va encore bouger.

Qui m'aide à peindre ? Mes amis ; il n'y en a pas beaucoup. Les amis, ce sont ceux qui parlent peu, mais qui agissent. Ma famille, aussi, ma soeur, qui s'occupe de moi, qui m'assiste pour pouvoir louer ce petit appartement où je peux peindre. Je crois que beaucoup de gens ne se rendent pas compte que la cellule familiale représente le pilier, le tuteur. La disparition prématurée de mon père a bouleversé ma vie, celle de ma mère, mes soeurs, mon frère. Si j'avais été adulte au moment de sa mort, cela aurait fait moins mal ; mais à quinze ans, j'avais encore besoin de mon père, par exemple j'aurais pu obtenir un diplôme d'architecture... Cela dit, j'aurais été peintre de toute façon, je pense qu'il existe une prédestination ; la peinture me suit, elle est toujours là ; on chasse le naturel, il revient au galop, et j'estime que la peinture, c'est mon naturel. Peindre est aussi une compensation, je trouve dans l'Art un exutoire, tout ce que j'ai envie d'exprimer au fond de moi.

Actuellement, je suis en pleine possession de mes moyens, et je crois que plein de choses vont se passer dans ma peinture, cela commence à peine à jaillir à travers mes coups de pinceau, l'intensité de mon pinceau sur la toile ; des expressions, une personnalité qui apparaît, oui, je me sens bien. Aujourd'hui, je suis membre sociétaire des Artistes Méridionaux, association qui est reconnue d'utilité publique, l'un des plus grands salons du Sud-Ouest ; la reconnaissance est importante pour tout le monde, l'on ne peut pas vivre dans l'obscurité, on a besoin d'une lumière, le peintre trouve ses marques par rapport à cette clarté ; ce sont des paramètres, des jalons qui lui permettent d'aller au-delà, de s'évaluer et de se surpasser ; si l'on sent que l'on stagne, on a tendance à déprimer et à tout laisser tomber ; si au contraire on se voit évoluer, c'est que l'on possède des points de repères importants et bons. Cette évolution se fait-elle par rapport au regard d'autrui, ou est-elle introvertie ? Elle se fait en profondeur, car ce sont nos émotions, et les événements de notre vie qui la déterminent. Et le peintre, on le sait bien avec Magritte, "demeure un être incompris".

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Les chats

J'aime les chats, un petit chat malade, un petit chat abandonné, un petit chat qui a été frappé... C'est Mireille, mon ancienne amie, qui m'a fait aimer les chats : elle avait apporté à la maison un petit chat qui s'appelait Zazie, j'en avais été complètement surpris, j'avais même eu très peur au départ ; et puis, il s'est passé quelque chose, je me suis aperçu qu'un animal pouvait être très affectueux, ce que l'on ne sait pas assez, j'ai découvert un chat avec des yeux très intelligents, très sensibles, j'ai compris que les chats étaient reconnaissants et capables d'amour ; alors il y a eu quelque chose dans mon coeur au sujet des chats. Ce sont des animaux doux et tendres, c'est-à-dire qu'ils ne font pas le mal, vraiment, ils ne sortent leurs griffes que lorsqu'ils se sentent menacés, et encore. C'est pourquoi je trouve que les chats peuvent nous donner des leçons.

Comparer le comportement des chats et des humains montre un décalage, que l'on retrouve dans la rue : il existe des chats vagabonds, paumés, et aussi des êtres humains, complètement indifférents, c'est cela qui m'a frappé : cette indifférence que je n'accepte pas et qui fait que tout d'un coup, je me suis attaché davantage aux chats qu'aux êtres humains, car les premiers peuvent m'apporter, peut-être, plus que les seconds. C'est très important d'affirmer cela, car nous vivons une époque tourmentée.

Lorsqu'un chat va vers son maître, il apparaît toute une forme de recherche de l'Amour, une complicité entre l'homme et l'animal. Tu vas penser que je mélange un peu tout, l'être humain, le chat, la peinture, un triangle. Ce triangle provient du fait que lorsque j'ai obtenu le grand prix des Artistes Méridionaux pour l'une de mes toiles, j'ai été sauvé par un chat que j'avais récupéré dans la rue : je me souviens, j'avais mis la radio, et puis il y avait mon petit chat, qui a provoqué toute une révolution en moi, qui a permis tout à coup que je fasse passer quelque chose au travers d'une oeuvre d'art. Je suis certain que ce chat y a contribué, en m'offrant une certaine sérénité : il était là, une présence incroyable, il me donnait l'Amour que je ne trouvais plus avec les femmes ; c'était un petit animal qui était comme moi, complètement comme moi, aussi désoeuvré, et tous les deux nous étions pratiquement des amis, c'était formidable. Ce chat me disait presque : "Allez, vas-y, peins, tu as des choses à dire !", c'est extraordinaire.

En Inde, il existe des vaches sacrées, en Europe il pourrait y avoir des chats sacrés, comme en Égypte. Il faut respecter les chats, leur indépendance. Aujourd'hui, je n'ai pas de chat à moi, car il faut s'en occuper du début jusqu'à la fin, et j'ai déjà du mal à m'assumer moi-même ! Il est très important de respecter les animaux, Mireille avait d'ailleurs écrit un article sur les chats, où elle affirmait que si l'on était méchant avec les chats, on pouvait l'être avec les humains... Comment dire ? Faire preuve de violence contre les chats, et ensuite assouvir cette violence contre les êtres humains, cela va ensemble, Mireille avait écrit là-dessus quelque chose de très important, dont on devrait se souvenir pour notre société.

Évoquer les chats me fait songer à Mireille... J'ai peint des chats, j'ai même réalisé un chaton incroyablement magnifique ; il était très malade, j'avais appelé le vétérinaire, ce chat est mort malheureusement ; je l'avais peint en souvenir et j'ai gardé la toile ; ce chat avait un regard humain, oui, un regard humain, on peut se poser des questions.

Je suis conscient qu'il est dangereux de préférer les animaux aux êtres humains mais, momentanément, il est compréhensible de compenser sur un animal, après une crise affective. Certains chercheurs américains ont étudié cette question et se sont aperçus que des êtres humains qui étaient très énervés, n'arrivaient plus à compenser avec leur partenaire ; or, la présence d'un animal leur était très bénéfique et diminuait énormément leur agressivité ou leur mal-être. Voilà, j'aime les chats en général, ils ont des regards qui fusillent, un regard tellement humain que l'on ne peut pas rester indifférent, ni devant un vagabond, ni devant un chat.

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Toulouse

Nous sommes sur la place St-Georges. J'aime Toulouse ; d'abord, c'est une ville où l'on trouve des places hors du commun, qui s'harmonisent toutes seules, comme celle-ci, équilibre entre la dimension et la beauté... Toulouse est une ville où j'habite depuis presque vingt ans. J'ai commencé à peindre à Toulouse, au même moment où je suis devenu animateur au Centre Communautaire Juif. Et j'ai découvert la ville de Toulouse parce que je suis un monsieur qui marche beaucoup, je n'ai pas de voiture, donc je marche à pied. J'aime Toulouse pour ses rues, ses places, l'église St-Sernin ou bien la place St-Étienne, qui est fantastique avec cet obélisque devant l'entrée de la cathédrale qui est très belle. Les gens passent trop vite devant les choses, ils devraient s'arrêter un peu et prendre le temps de se dire des mots d'amour, alors Toulouse retrouverait une osmose entre ses habitants et ses places, qui lancent des appels aux toulousains : "arrêtez-vous aux terrasses des cafés, essayez de regarder, d'observer, d'aimer, d'échanger !". Toulouse, ses places, ses rues, le jardin des plantes, aussi, qui est magnifique. La Garonne, évidemment, et le Canal du Midi, tout le monde parle de la Garonne et dit la même chose, c'est très beau. Alors, il faut se promener, découvrir à l'automne les couleurs des feuilles sur les arbres qui se reflètent dans le Canal du Midi, cette eau qui inspire et donne envie de méditer. En automne, le ciel gris, le macadam mouillé offre un aspect rayonnant à la pierre ; à cette saison, tout est embelli et adouci par les couleurs. Au printemps, les personnes s'animent par les couleurs de leurs robes, dans leur façon de s'habiller, elles prolongent l'éclat de la nature ; en automne, c'est plutôt l'inverse, la nature prend le dessus.

Au bout de vingt ans, je suis potentiellement un artiste toulousain, parce que j'évolue beaucoup dans ce milieu, et aussi dans le milieu juif, qui m'anime. A travers mes toiles, j'essaie d'aimer cette dimension-là, ce côté très vivant, avec également une grande spiritualité que j'ai envie de communiquer aux autres, de même que l'Amour. Alors, oui, je suis un peintre toulousain ; je me retrouve souvent à la terrasse d'un café, c'est pourquoi je connais beaucoup de monde, j'aime le contact, j'apprécie cet aspect de la vie toulousaine. Toulouse est une ville où il fait bon vivre parce qu'il y a du soleil, qui apporte la lumière, la connaissance, et l'envie d'aller au-delà de tout, le contraire d'une vie stéréotypée et fermée, je souhaite une contribution à un monde meilleur avec une communion entre les êtres humains, sans la violence ni ce côté assez scrupuleux des choses qui fait que l'on finit par être triste. Non, j'espère que les gens sont capables de s'aimer, et d'aimer l'Art, de découvrir à travers lui tout un ensemble progressif d'émotion, de sensibilité... c'est cela, un monde meilleur.

À Toulouse, j'ai été reconnu comme peintre, même si j'ai plus donné que vendu de toiles ! Le Salon des Méridionaux est tout de même une institution sérieuse, qui existe depuis 1905 ; cette année, c'est la soixante-neuvième édition, avec des peintres de talent. Mais je ne suis pas seulement un peintre toulousain, j'ai eé pratiquement dans toute la France, et même à Girona, à la Fontana d'Or en Espagne, avec quatre autres peintres du Languedoc, c'était un endroit prestigieux pour un échange passionnant avec les Catalans.

Mais pour l'instant, restons à Toulouse ; le plus important, c'est de se promener dans les rues car l'on y apprend énormément, on observe beaucoup de choses, la vie se passe dans les rues. On a tendance à banaliser les rues et c'est une erreur parce que tout arrive là : l'Amour, on le trouve dans la rue, je veux dire qu'à mon avis, les grandes rencontres se font dans les rues. Et les femmes toulousaines sont belles, elles sont magnifiques, ce n'est pas seulement moi qui l'affirme, mais des personnes qui viennent de Paris, et les étrangers, ils disent tous que les femmes toulousaines sont les plus belles de France, il faut savoir les regarder. Toute femme inspire la rêverie, la beauté, surtout les toulousaines, elles me donnent tout ce que j'ai envie d'exprimer dans une toile, comme celle que je viens de terminer, et que j'ai intitulée "Quai 3, 16h 49"... Il s'agit de Régina, ce n'est pas une toulousaine, mais une allemande, c'est quand même une histoire d'amour, et j'ai peint en pensant à cette rencontre, j'ai choisi un diptyque à cause de cette ligne qui va séparer un homme et une femme, on attend un choc dans les bras de l'homme, c'est l'Amour, les retrouvailles, la fête, tout ce que l'on veut, et malheureusement pour moi, ce fut le contraire... j'ai voulu signaler cela dans ma toile, et puis dire, "Bon, tant pis !" ; c'est une déception, j'attendais beaucoup de cette femme, elle m'a profondément déçu.

Oui, je ne fais pas que regarder les passantes, j'exprime dans mes tableaux mes amours, je veux à tout prix évoquer l'Amour. Mais je crois aussi que le peintre, l'artiste, doit savoir aller plus loin que les réalités de sa vie. Je ne veux pas non plus être sévère avec la femme toulousaine, d'ailleurs Régina était allemande ! Elles sont belles, elles savent se mettre en valeur par les couleurs, les robes, très pointilleuses sur leur manière d'être, très conscientes de leur personnalité, pleines d'harmonie... Non, je ne suis pas désabusé ! La femme toulousaine n'est pas qu'une image insaisissable. Comme disait Jacques Brel lorsqu'il jouait Don Quichotte : "Cet inaccessible amour"... Je me demande si nous, les artistes, nous ne sommes pas au fond des petits Don Quichotte, oui, je dois l'être un peu ; il ne faut pas rire de ce que j'affirme car ce sont les artistes qui portent les autres, qui leur donnent envie d'avancer et d'aimer ; sans eux, tout serait trop... triste.

L'échec sentimental doit-il être une source d'inspiration, est-ce qu'une déception sentimentale doit contribuer à une oeuvre d'art magnifique ? L'artiste sera-t-il plus prolifique dans l'équilibre, s'il a la chance d'avoir une femme ? Voilà le problème ou bien, si l'on préfère, la contradiction. Je pense que pour peindre, l'artiste a besoin de stabilité et d'amour, il doit trouver sa moitié, et il n'a pas besoin d'être maudit, on connaît le résultat, nous pourrions évoquer Van Gogh, Modigliani... Les artistes vivent des romances formidables, même Van Gogh n'était pas profondément seul, car il vivait avec son histoire d'amour ; et Picasso a eu beaucoup de femmes, qui alimentaient sa peinture. Les artistes ont besoin d'une compagne, sinon ils ne pourraient pas créer ; car nous donnons beaucoup, nous donnons énormément et si nous n'avons pas au moins en compensation ce côté affectif, nous allons nous retrouver très angoissés, très déprimés.

En ce moment, je suis seul, mais cela ne fait pas trop longtemps, et j'ai pu repartir parce que j'ai trouvé un atelier pour peindre. Au début, je n'avais rien, et ce sont les rues de Toulouse qui m'ont porté, je m'y suis réfugié. Je sors d'une déception alors actuellement, je ne suis pas amoureux ; je me cantonne à mes copines, j'en ai beaucoup et j'en reste là. Peut-être que je me protège, j'ai peur d'aimer maintenant... même la très jolie jeune femme blonde qui vient de passer, sûrement une étudiante en droit.

Je n'ai pas peint beaucoup de portraits de femmes, je vais arriver à une période où je peindrai des regards de femmes, des corps, je ne sais pas... j'essaie avant tout de me laisser aller dans mon travail, d'évoluer par rapport à ma conscience, sans me contraindre ; chaque chose en son temps. J'ai beaucoup aimé les femmes, j'ai aimé bien davantage que l'on ne m'a aimé, et je ne me suis jamais servi d'elles. Il y avait un échange. J'aime donner. Et c'est pour cela que je suis toujours touché.

Moralement et sentimentalement, je peux assumer une femme ; le matériel, c'est autre chose. Beaucoup de gens sont annihilés par leur vision très matérialiste de la vie, et ils en oublient la vie ; il existe chez les artistes une disponibilité qui leur permet d'aimer bien davantage que la plupart, et ils contribuent fortement à l'échange et à l'affection. Il est vrai que l'être humain est imparfait, l'homme comme la femme ; parfois, elle est en quête d'autre chose, mais si elle bascule dans la seule sécurité matérielle, c'est qu'elle succombe à l'apparence et elle se fait avoir ; en vérité, le peintre n'a rien à voir avec ces questions superficielles, il est profond et sincère, les émotions qu'il laisse sur une toile sont comme des empreintes à vie, ces émotions ne peuvent pas s'effacer. La façon dont la matière peut prendre les émotions est fantastique et l'on sait d'après des chercheurs américains que la particule a une mémoire, c'est important.

Un peintre réfléchit beaucoup, il médite ; quand il ne sait pas s'exprimer avec les mots, il le fait grâce à sa peinture... parler de soi à la terrasse d'un café, ce n'est pas évident ; ce n'est pas désagréable, mais parfois, c'est dur, douloureux, il est difficile de parler ainsi des femmes, des sentiments. Je crois que j'ai trop de mémoire, ce qui m'empêche d'aller au plus profond de moi-même : Mireille, Régina, tout ce passé, ce n'est pas bon et cela me gêne pour parler franchement ; mais discuter avec un ami fait du bien. La place St-Georges se prête bien à ce dialogue. Elle a besoin d'être peintre sous tous ses aspects, la nuit, le jour, et ce kiosque posé d'une manière incroyable ; on trouve énormément d'harmonie sur cette place, je dois absolument travailler dessus. Et la place Wilson aussi, qui est très belle. La place du Capitole est agréable grâce à ses arcades, qui sont synonymes de passage, de rendez-vous, de rencontres... il ne faudrait pas que ce soit trop académique, trop scolaire... Le canal du Midi et ses péniches, les arbres qui se reflètent dans l'eau... Toulouse sous la pluie ou sous le soleil ? Mouillé, c'est bien, cela brille, tout est gris blanc ; oui, c'est beau, j'aime Toulouse sous la pluie et sous le soleil.

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Jérusalem

Mon authenticité se comprend par mes appartenances, pas seulement religieuses, à la pensée juive, dans le sens d'un certain universalisme et sa dimension dans le monde : que peut apporter la pensée juive, de différentes manières ? La connaissance, bien sûr, mais aussi son influence dans l'Art, la peinture... À mes débuts, j'ai voulu peindre des thèmes bibliques, et tous les maîtres, tous les peintres se sont attardés sur la Bible car elle comprend tous les symbolismes, toutes les significations. Comment la Bible peut-elle intervenir dans la peinture... je me mélange un peu les pinceaux ! Existe-t-il une relation entre la Bible (qui signifie Première histoire en hébreu) et la démarche d'un artiste ? Marc Chagall, Rembrandt ou Michel Ange ont traité la Bible et pour moi, c'est un souci premier car, en plus, je suis juif ; mais cela ne signifie pas pour autant que parce que je suis juif, je veux faire passer une peinture juive. Tu m'avais parlé une fois de Kandinsky, son Art et le spirituel, la manière dont il fait entrer la spiritualité dans la peinture : c'est un phénomène de mouvement, d'émotions, qui correspond bien à cette fin de siècle ; et les peintres contemporains, qu'ils soient croyants ou athées, doivent avoir ce souci de faire passer ces émotions à travers une spiritualité, tant pour eux que pour ceux qui regarderont leurs toiles ; je le pense mais je ne sais pas pourquoi.

L'éducation religieuse peut expliquer l'influence à l'origine ; mais il existe autre chose, qu'il est nécessaire de dire : les artistes ont besoin de s'intéresser à la Bible car nous n'avons aucun document imagé pour étayer cette histoire ; elle est analysée par les Sages, grâce au Livre, mais elle n'a jamais été véritablement commentée par les images, sauf celles des Artistes, qui ont utilisé la peinture ; d'autre part, dans cet effet de vouloir peindre la Bible, il faut voir la résolution de symboliser par rapport à ses propres états d'âme, par exemple le sacrifice d'Abraham, que j'ai peint, ou bien la sortie d'Égypte, très messianique, ou encore, bien entendu, les Hassidim devant le Mur des Lamentations ; il est important pour moi de peindre tous ces personnages qui portent en eux des messages très forts, de les exprimer par des couleurs, leurs mouvements, leurs attitudes ; sans négliger une démarche purement symbolique, liée à ma croyance. La Bible est porteuse de leçons de morale et d'Amour, et j'estime qu'il est bon que l'Artiste emprunte à ce texte, pour ensuite traduire ses sentiments, ses propres significations ; l'Artiste ne peut pas nier que la Bible est porteuse d'Amour, il a besoin d'étayer toutes ses créations par des symboles d'Amour.

Lorsque j'avais eé à la Galerie Art-Sud à Toulouse, sur le thème de Jérusalem, j'avais rappelé que la Jérusalem Céleste est juste au-dessus de la Jérusalem terrestre, ceci a une grande signification, c'est-à-dire que Jérusalem est une ville universelle, par sa spiritualité elle annonce l'Amour pour l'humanité toute entière. Et l'artiste, le peintre, doit s'engager et transmettre ce message d'amour.

Naturellement, il existe d'autres sources d'inspiration que la Bible mais, moi, comme ma mère, je suis très mystique ; et dans le mysticisme, l'on trouve toute cette poésie, picturale ou non, qui nous donne envie de rêver, de nous envoler. Marc Chagall regardait les étoiles, puis exprimait des thèmes bibliques en dehors de la gravitation, c'est fantastique. La Bible est valable pour l'Humanité toute entière, et la Kabbale aussi : ce sont des domaines très vastes, mais je n'ai pas vraiment approfondi.

Au départ, j'ai commencé par des thèmes bizarres, par exemple une toile qui s'intitule La Manne ; la manne, c'est le don du ciel, ce qui vient de Dieu : on imagine un vagabond avec un bol de lait à la main, et qui tend ce bol de lait à un enfant ; la mère a un visage très angoissé, l'enfant a faim, et c'est le vagabond qui donne ce bol de lait ; j'intitule cela La Manne, car je trouve ce geste très beau, la situation très contrastée. Voilà. C'est le démarrage de ma recherche. J'ai peint aussi, tout à fait au début, la naissance ; c'était une matière très grossie, très marquée sur la toile ; j'aimais beaucoup tous ces personnages autour du bébé qui venait de naître, et qui avaient des regards admiratifs en contemplant cette naissance. Thème chrétien, juif, musulman, cela ne me gêne pas du tout, je suis un artiste ! Et je suis tolérant. Puis j'ai traité Le Buisson Ardent, c'est-à-dire Moïse, la révélation, les dix commandements, et j'ai continué à aller plus loin, à développer encore, crescendo : le sacrifice d'Abraham, l'ère messianique, la sortie d'Égypte... tous les personnages Hassidim, c'est-à-dire les gens qui prient devant le Mur, et aussi les élèves qui étudient la Torah... c'est une progression. J'ai peint une toile qui s'intitule Délivrance... je ne sais pas ; c'est tout cela qui m'a propulsé, qui m'a fait développer ma technique, et je pense que je vais continuer dans cette matière, car j'ai trouvé un certain parallélisme entre mon émotion et ma technique, et cette découverte ne pouvait se déployer que par une recherche biblique. Ensuite, c'est vrai que je me suis un peu éloigné de ce thème biblique et que je me suis intéressé à Toulouse, à ce qui gravite autour de cette ville, en peignant ses jardins, ses rues ; progressivement, j'évolue. Je pense que c'est grâce à une publication que j'ai réalisée avec Mireille, sur la contribution du mouvement à la peinture. Mireille avait fait un travail similaire en éthologie, l'observation des isards dans les Pyrénées, et nous avions décidé de faire ensemble des observations, à savoir qu'un peintre dans sa démarche artistique va évoluer comme un bébé isard qui tourne autour de sa mère, pour en arriver à faire une spirale.

Pourquoi évolue-t-on ? Je ne sais pas. Mais une chose est certaine : il est frappant de trouver ces lignes graphiques comme la spirale, qui font que nous gravitons par rapport à un point, et que nous nous en éloignons en formant des cercles concentriques de plus en plus larges. Cela correspond à la connaissance chez l'être humain : nous prenons toujours nos distances par rapport à un point de référence, il est intéressant de le souligner. Je pense que je me suis inconsciemment écarté des thèmes bibliques pour ces raisons-là, parce qu'il fallait que j'ouvre les yeux moi aussi sur ce qui m'environnait. Mes amours ont joué un rôle aussi : tu as vu ma dernière toile, celle qui est eée aux Méridionaux, et qui traite de l'Amour, de ma vie ; pourquoi pas ? Je crois qu'il est bon qu'un peintre puisse également exprimer ce qui est inaccessible.

Quant à mon authenticité, elle explique également mon attachement à Israël ; de toute façon, le peuple juif appartient à Israël, c'est un peuple qui doit avoir une patrie, et qui a déjà une patrie, c'est incontestable. J'appartiens donc à Israël à part entière, c'est très important pour moi et je saurai reconnaître mes amis. Ce que je veux dire, c'est qu'il existe des ennemis d'Israël, et tant pis pour eux : je crois qu'Israël est vital pour toute l'Humanité, et je me reconnais dans l'État d'Israël, bien sûr. Là encore, il existe des raisons bibliques : tout le monde a besoin de se reconnaître par rapport à des lieux qui soient bibliques, tout le monde possède ces lieux et ces références, et le peuple juif lui aussi. Et je suis un artiste, j'aime les lieux de création.

J'ai beaucoup peint Jérusalem. Alors, peut-être... l'an prochain à Jérusalem !

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Les Maîtres

Mes références dans la peinture ? Van Gogh... et Gauguin. Ce sont des contre-impressionnistes, c'est-à-dire qu'ils sont venus bien après l'impressionnisme, le courant pictural de la fin du XIXe siècle. Évidemment, j'ai été, comme tout le monde d'ailleurs, très influencé par l'impressionnisme ; je crois même que l'Art italien, les peintres italiens de l'époque, ont voulu s'opposer aux contre-impressionnistes et qu'ils n'ont pas pu le faire, ils ont été fortement marqués par les impressionnistes français ; car il faut dire aussi que lorsqu'on parle de l'impressionnisme français, on doit se souvenir qu'il a représenté un courant mondial pour l'Art et la peinture en 1890 ; il s'agissait de cinq peintres qui eaient au Boulevard des Capucines à Paris. Pourquoi impressionnisme ? Cela provient de la toile Impressions du soleil couchant de Monet ; il y avait aussi Manet, Pissaro, et un autre, que j'oublie... Renoir et Jongkind. Plus Toulouse-Lautrec et Degas. En Angleterre existaient des devanciers de l'Impressionnisme, qui allaient préparer ce tournant, comme Turner, un grand précurseur. Pourquoi tout ceci a-t-il traversé la Manche ? Peut-être en raison du voyage de Monnet vers l'Angleterre, si je me souviens bien ; sûrement aussi la conséquence des grandes découvertes, la révolution scientifique et technique, l'invention du cinéma par les frères Lumière, l'appareil photographique qui apparaît alors, le train, l'avion, l'automobile, le bouleversement dans l'imprimerie ; et surtout les maîtres-penseurs comme Émile Zola, l'affaire Dreyfus qui partagea la France en deux sur le thème des droits de l'homme ; tout cela va marquer le courant de l'impressionnisme, en donnant des couleurs nouvelles ; je pense que le mouvement dans la peinture est parallèle au mouvement des personnes, des sociétés : si les sociétés se comportent d'une certaine manière, s'ouvrent vers la lumière, la peinture tend aussi vers la lumière ; il existe un parallélisme très prononcé entre les peintres et les précurseurs, les éclaireurs, si tu veux, du monde de demain.

Mécanisation et mouvement. Je crois que le train a joué un rôle important car c'est le défilé des images, il existe donc un mouvement, Manet avait bien perçu le problème, il avait vu que les images n'étaient pas fixes, mais qu'elles bougeaient tout le temps. Van Gogh, lorsqu'il peignait une toile, avait terminé son tableau en deux heures, parce qu'il s'était aperçu que la lumière se déplaçait très vite sur les champs de blé, tout allait trop vite ; alors il fallait fixer sur la toile les couleurs à un moment donné. Van Gogh, lui aussi, en tant que contre-impressionniste, n'a fait que renforcer le mouvement dans la peinture, c'est très important, et songeons à la nuit étoilée, où les étoiles ne sont plus des points mais des spirales, mises en gravitation dans l'espace ; il faut beaucoup insister sur le mouvement, penser par exemple à Cézanne. Pourtant, on ne peut pas affirmer que la peinture est avant-gardiste, elle est uniquement le reflet de son temps : le peintre ne se projette pas dans le futur, il compose avec ce qu'il subit dans le moment présent, plus exactement le passé nourrit sa peinture, et le temps présent l'achève.

Je n'ai aucune formation d'Histoire de l'Art ; j'apprends par les autres, sur le tas ; je lis, je visite les Musées, et c'est la meilleure manière. J'estime que l'être humain doit s'intéresser à tout, rechercher, faire une forme de quête. Lorsque j'étais à l'École des Beaux-Arts, les professeurs ne me demandaient pas forcément : "Voilà, vous allez travailler" ; non ; ils nous disaient : "Votre démarche, c'est d'aller dans les bibliothèques, d'ouvrir des bouquins et d'apprendre par vous-même". C'est un chemin pédagogique très important et très intéressant : laisser le libre-arbitre aux élèves, se prendre en charge, assumer ses responsabilités, c'est un peu le système universitaire, j'ai appris de la sorte et ce n'est pas plus mal ; le Professeur parle, les élèves écoutent ou n'écoutent pas, mais ils ne doivent pas se cantonner à une heure ou deux d'enseignement, il faut qu'ils soient en quête, qu'ils aient soif de connaissance : dans la mesure où quelque chose t'intéresse, tu vas, tu cherches, et tu découvres. Comme un enfant lorsqu'il apprend à marcher, à parler, un peintre, c'est pareil, il ne peut pas s'envoler tout de suite dans la stratosphère. Il faut avancer avec soi-même, en accord avec sa propre personnalité, et ne pas rejeter le passé. C'est comme l'équilibriste sur son fil qui doit franchir une ligne ; c'est, pour moi, l'équilibre des harmonies, de la raison, des couleurs...

Mes toiles préférées ? Dans le monde ? C'est difficile. Le radeau de la méduse, de Géricault... Il suffit d'aller au Musée du Louvre à Paris, pour voir des toiles sublimes, je ne sais pas. La Joconde, que tout le monde connaît, avec ce sourire magnifique. Van Gogh, j'aime tout, Les Tournesols, les Iris... Kandinsky. Picasso, évidemment.

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La vie d'artiste

Ce soir, nous avons choisi de parler des difficultés de la vie d'artiste en nous retrouvant dans une salle du Palais des Arts de Toulouse, où se tient le 69e Salon des Méridionaux. Parler des difficultés de la vie d'artiste à l'heure actuelle, c'est nécessaire car on comprendra peut-être dans cinquante ans les problèmes qu'elle occasionne ; pas seulement pour moi, mais pour les autres artistes aussi, comme ceux qui n'ont pas eu les moyens de s'inscrire aux Méridionaux et de montrer leurs oeuvres. Lorsque l'on songe à cela, on imagine à quel point nous sommes en crise, combien les problèmes de ma vie sont énormes, pas seulement matériellement, mais aussi psychologiquement, à cause de tout ce qui s'est passé.

La vie d'artiste, donc : il faut un équilibre. On se représente toujours les artistes comme des gens bohèmes, instables, or ce n'est pas du tout le cas. L'artiste a besoin d'un équilibre, d'une stabilité, d'un environnement où il se sent bien vivre ; il doit être en osmose avec son entourage, pour pouvoir créer son propre climat. Oui, l'équilibre dans la vie de l'artiste est essentiel car c'est à partir de ce moment-là qu'il va pouvoir se concentrer sur ses oeuvres et, progressivement, être prolifique. De nombreuses personnes ont affirmé que la douleur engendrait l'oeuvre d'art, et je ne suis pas trop d'accord ; je pense que le peintre a besoin de multiplier ses oeuvres le plus possible, ce qui nécessite une harmonie.

Mais ce n'est pas la seule des difficultés de l'artiste ; aujourd'hui, en raison de la multiplicité des peintres (beaucoup de gens se sont mis à peindre, car ils croient que c'est facile), l'artiste doit avoir un suivi, ce qui est tout autre chose : faire de sa vie une vie d'artiste, une vie de peintre par exemple, devient incroyablement difficile. En vérité, le plus dur est d'avoir cette continuité dans l'espace et dans la vie ; pérennité qui fait que l'on va tenir le coup, et que l'on va peu à peu engendrer tout un système, un processus, un cheminement qui vont produire une expression artistique. Plus largement, il existe des difficultés en Europe, il y a des choses que l'on ne voudrait pas dire, je ne sais pas si on peut les affirmer, mais c'est vrai qu'en tant que Juif, je suis un peu rejeté par les autres, je suis un peu mis en quarantaine ; ce n'est pas un sentiment de persécution, mais je pense que même si l'on tend vers les autres, il n'est pas évident qu'ils vous ouvrent les bras, parfois c'est l'inverse ! Pourtant, il faut s'accrocher, choisir ses amis, et puis tenir, oeuvre après oeuvre ; faire en sorte que chaque création possède une signification, s'inscrive dans une démarche, traduise des cris qui jaillissent comme ceux d'un enfant qui deviendra peu à peu adulte ; tendre vers la sagesse. Voilà, je crois que c'est aussi cela, les grands problèmes de l'artiste aujourd'hui ; ce ne sont pas seulement des difficultés, ce sont des murs qu'il faut absolument franchir, c'est presque un parcours du combattant. C'est dur.

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Les techniques du peintre

Ce soir, nous sommes encore au Salon des Méridionaux, tu trouves ici à peu près cent eants, soit cent techniques différentes, parce que chaque artiste possède sa propre personnalité. En outre, je pense que les techniques s'opèrent dans des recherches que le peintre fait tout au long de son cheminement ; en ce qui me concerne, il est vrai que je me laisse imprégner par tout ce que j'observe, tout ce que je vois, et surtout par ma vie propre, personnelle, où parfois je ressens des manques quant à la matière ; à savoir que je n'ai pas assez d'argent pour acheter des peintures totalement belles, qui coûtent très cher ; alors je suis obligé d'oeuvrer avec les moyens du bord ; par exemple, pour la toile avec laquelle j'ai obtenu le grand prix des Artistes Méridionaux, j'ai travaillé sur du papier kraft, tu vois, le support c'était du papier kraft, marouflé sur un contre-plaqué ; et pas n'importe quel contre-plaqué puisqu'il s'agissait de coumé rose, qui travaille moins.

Il est certain que l'artiste doit se mettre à la page de ses recherches sur la matière et la technique, je crois que l'on apprend les différentes techniques tout au long de sa vie, et je ne peux pas affirmer, moi qui suis un autodidacte, que je connaissais tout d'emblée. J'ai encore tellement de choses à apprendre au cours de mon existence ! Et je suis persuadé que plus je travaillerai, plus j'apprendrai de choses. Il serait intéressant de mémoriser toutes ces techniques ; car on ne peut pas parler d'une technique, mais de plusieurs, et de diverses étapes ; c'est-à-dire qu'en raison de mon caractère, je suis un artiste qui veut chercher un peu partout, tous azimuts, parce que je crois que c'est ainsi que j'arriverai à prendre plein de choses, à découvrir de nouveaux horizons, un peu comme faisait Picasso ; je ne veux pas me comparer à Picasso, non, il n'en est pas question, mais il avait un sens de l'ouverture incroyable, une richesse dans sa volonté d'accéder à toutes les techniques, qui dépassait l'ordinaire ; c'est pourquoi on peut affirmer que Picasso était un grand génie, à tous les niveaux : il voulait s'attacher à tout, tout apprendre, tout comprendre dans ce qu'était l'art pictural, dessin peinture, céramique, il travaillait dans tous les domaines, c'était un homme remarquable.

Pour ma part, j'essaie aussi d'élargir ces différentes techniques ; je ne sais pas comment m'expliquer... il est vrai que lorsque l'on débute, on tâtonne, on travaille sur du papier Canson, on essaie de faire des aquarelles, de la gouache, de la peinture à l'eau ; ensuite, on se dit : tiens, je vais essayer de peindre sur un contre-plaqué toilé, sur un châssis toilé... je crois que la technique s'élargit au fil du temps. Pour les diverses expositions que j'ai faites à la Galerie Art-Sud, j'ai travaillé sur des châssis toilés, peut-être parce qu'ils durent longtemps ; la particularité, c'est la peinture à l'huile, huile de lin, essence de térébenthine, et puis la toile de lin sur châssis... à mon avis, les gens préfèrent une toile comme cela à un papier ; parfois, un papier rend très bien, on peut par exemple mélanger la gouache avec la peinture à l'huile, c'est vrai qu'actuellement il s'agit de ma démarche. Mais il n'est pas dit que je ne vais pas essayer de développer d'autres techniques, m'intéresser aux collages, et d'autres choses... justement, je pense à une expérience qui est encore secrète, je ne sais pas si je peux t'en parler : ce sont des puzzles en boîtes d'allumettes, j'ai envie de réaliser quelque chose dans ce genre, ce serait complètement avant-gardiste, mais tout à fait intéressant à mon avis.

Tu me cites le peintre et cinéaste Peter Greenaway : "il y a, dans le métier de peindre, des choses que l'on ne peut pas faire au cinéma. Il y a un langage de la peinture. Un sens de la composition et des couleurs. Un jeu avec les surfaces, qui sont le propre de la peinture et dont il n'est pas facile de trouver l'équivalent sur un écran" (1). Je pense que c'est l'expression de l'artiste qui prédomine, car il existe un contact direct entre la toile et le peintre, seul devant elle, et qu'il s'agit bien d'un langage. Le cinéma ne peut que projeter des images, que l'on accepte ou non ; c'est différent pour l'artiste peintre, car il projette, il travaille directement avec son coeur, son âme, ses mains, ses tripes ; il exprime tout cela sur une toile, du moins il essaie, en fonction de ses connaissances, de sa technique, de ses moyens.

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(1) : Bernard-Henri Lévy, "Idées fixes (question de principe quatre)", Le Livre de Poche, 1992, pp. 266-267.

Il existe différentes étapes dans le travail et avant d'attaquer une toile, en vérité, il est un fait que si je veux vraiment partir sur des données précises, je vais travailler sur papier Canson, sur lequel je réaliserai des petits gribouillis, des croquis, des esquisses, qui vont me permettre de visualiser à peu près ce que je veux faire, et aussi de choisir un format ; car le format en lui-même n'est pas déterminé d'emblée ; au départ, je vais travailler sur papier et je vais me dire ensuite : tiens, cela irait bien sur un format de 500, ou, peut-être, si je prolonge, il y aurait une harmonie... c'est-à-dire qu'apparaît une recherche, une quête de l'équilibre avant même d'avoir commencé à peindre, avant d'avoir choisi le format. C'est donc d'abord un travail d'observation, l'émotion, le clip, la grand-mère courbée sous la pluie, ou bien les amoureux sur le quai d'une gare, qui... la fille se jette... bon, c'est déjà un thème, qui va me toucher profondément, et que j'ai envie de laisser sur la toile ; mais je n'ai pas encore opté pour le format. À partir de ce moment-là, je recherche sur le papier un certain lyrisme qui m'emmènerait à faire mes partitions, comme un musicien jouerait ses gammes, et puis je me dis : tiens, cette ligne va séparer, donc faisons un diptyque, qui va désunir les amoureux et aura sa raison d'être, symbolisera un sens, une émotion. On doit porter l'émotion comme un chef d'orchestre mène ses musiciens du début à la fin ; l'artiste doit agir de la sorte, en relation avec ce qu'il souhaite vraiment exprimer, il doit conduire son émotion jusqu'au bout de sa démarche, en choisissant sa technique, son format, sa matière et le thème.

On dit qu'une bonne toile doit toujours, à la fin, être gâchée par un dernier coup de pinceau. La perfection n'existe pas, seul Dieu est parfait, et l'oeuvre que l'artiste peut créer est une oeuvre qui n'est pas achevée ; elle est belle pour cette raison. Je veux dire par là que nous n'obtiendrons jamais la perfection, même dans l'émotion ; celle-ci est figée dans le temps, par la matière, la peinture, ce qui laisse cet espoir - ou cette interrogation - à l'observateur ; c'est peut-être aussi l'explication de la vie : Dieu a créé le monde, et il laisse aux hommes le soin de parachever cette oeuvre ; mais comme nous ne sommes pas parfaits, nous n'y parvenons pas, faute des connaissances suffisantes et du reste. Mais je sais que tu ne crois pas en Dieu !

Parfois, lorsque je peins, j'écoute de la musique, car elle me porte beaucoup. Toutes les musiques : la musique classique, la Ve de Beethoven, Mozart ; et puis Reggiani, Brel, Jacques Brel qui est un poète, un écorché vif, dont les chansons m'exaltent ; Édith Piaf, par sa voix... je ne pense pas qu'il faille dissocier les artistes, les chanteurs, les musiciens, les écrivains, les peintres, ils vont tous ensemble, et c'est grâce à ces artistes que le monde peut être beau, grâce à ces êtres hors du commun qui nous donnent envie d'aller chercher plus loin cet Amour que les gens ont un peu banni d'eux-mêmes, parce qu'ils ont des vies trop systématiques, trop automatiques ; ils ont réduit l'Amour pour se conformer à un rythme de vie, ils ne savent plus aimer, ni voir, ni écouter... alors c'est à nous, les artistes, de redonner un sens à l'existence, de dire à l'être humain : voilà, il faut aller dans les musées, observer, apprécier les tableaux, car ils sont des expressions sincères, propres, profondes ; nous devons redonner le goût de la vie et de l'espoir.

Lorsque je peins, je ne pense plus, et à un moment donné je bascule dans l'irréfléchi. C'est la main qui me dicte ce que j'ai pensé très longuement, à partir de là je ne suis plus rien, je deviens l'instrument de la main, et je ne sais pas par quoi cette main est commandée ; des dérapages se produisent au niveau de la main, qui sont dus au subconscient, à l'âme, et l'artiste est complètement dépassé. Puis, à un certain moment, il va s'arrêter de peindre, se remettre à réfléchir, contempler son oeuvre... je fais toujours une comparaison entre la création artistique et Dieu créant le monde le septième jour, le jour de la contemplation, quand il s'arrête de travailler pour observer ; il ne faut pas prendre l'artiste pour Dieu, pas du tout, mais il existe une démarche similaire.

Je ne sais pas si je serai toujours un peintre, je ne peux pas deviner ce que l'avenir me réserve ; mais je suis certain que je ne veux pas me cantonner à un style de peinture, et m'en satisfaire parce que cela va plaire à des gens qui vont acheter mes toiles, pas du tout ; ma quête, c'est une recherche qui contribuerait à élargir mes champs de vision et mes champs d'expression, qui me permettrait de traduire plus amplement ce qui est important dans la vie, ce qui nous touche : tous les opprimés de la terre, tous ceux qui ont besoin que l'on parle d'eux, qu'on peigne pour eux ; par exemple, un dos courbé, qui porte le fardeau du monde ; on a envie que ce dos prenne une autre dimension qu'un arc courbé, un arc qui tend vers le ciel... j'ai envie de peindre pour tout cela. Et ma technique, je l'apprends sur le tas, peu à peu, un maillon après l'autre, qui vont constituer la chaîne ; c'est donc une recherche perpétuelle, que j'élargis et puis c'est tout. Mais je ne peux pas trouver tout de suite la solution, je suis limité au départ dans mes moyens d'expression et mes techniques ; puis, progressivement, tout va s'agrandir, c'est là mon souci : épuiser à droite, à gauche, et ne pas faire toujours la même chose, cela m'ennuierait beaucoup de m'enfermer dans un système et dans un style de peinture, je veux toucher à tout.

Dans l'acte de peindre interviennent à la fois une souffrance et une délivrance. Il existe toujours une douleur quelque part, parce que l'on a peur de rater la toile que l'on porte en soi ; on a envie de l'accoucher comme une mère accouche de son enfant, donc il y a une douleur, et aussi une délivrance incroyable, un bonheur fantastique qui en résulte ; car lorsque la toile parvient à une certaine harmonie, ce n'est pas seulement une délivrance, c'est encore la liberté, et un cri d'amour ; alors oui, à partir de là, la peinture devient à la fois souffrance et délivrance.

En fait, je ne me reconnais pas vraiment dans mes tableaux, et je n'ai pas le sentiment de faire une oeuvre ; s'il y en a une, elle se révèle à moi, parfois je la découvre : tiens, c'est moi qui ai fait cela, je ne savais pas que j'en étais capable... l'artiste n'est pas forcément le maître de ce qu'il va créer, il le fait et ensuite il devient l'instrument de son art ; le peintre est étonné par sa création, ce qui signifie qu'il existe autre chose, le subconscient, l'âme, qui nous anime ; c'est un peu le Néfèche, le souffle de Dieu.

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La mémoire des lieux

Cette année, près de trois mille toulousains ont vu ce Salon des Artistes méridionaux. Depuis que je peins, j'ai dû faire, je ne sais pas, une vingtaine d'expositions ; si je devais les énumérer, ce fut d'abord Toulouse, ensuite Vigoulet Auzil, Mazamet, Montpellier, Nice, Bordeaux, Paris, Girona en Espagne, à la Fontana d'Or, un lieu prestigieux où Dali avait lui-même eé, Aiguillon près de Valence d'Agen... chacun de ces lieux m'a apporté quelque chose, voir ses propres peintures dans une ville inconnue donne un trac extraordinaire, car l'on ne peut pas savoir si elles vont plaire, si le public va y être sensible. On s'aperçoit d'ailleurs que le public diffère selon les endroits. Et déplacer ses oeuvres, c'est se déplacer soi-même. À Vigoulet Auzil, dans un centre culturel, à trente kilomètres de Toulouse, c'était bizarre, parce qu'on avait amené un public toulousain. À Montpellier, c'était encore autre chose, la journée de la Culture Juive, les oeuvres étaient eées en plein air, parmi d'autres manifestations, photographies, livres, c'était instructif. Existe-t-il une logique dans la suite des expositions ? On pourrait penser qu'il y a un ordre chronologique, ou alors le hasard qui fait que tu vas passer par telle ou telle étape, et il faut suivre cet ordre ; c'est tout à fait rigolo de s'apercevoir que ce sont des hasards déjà tracés, une forme de prédestination, on suit un ordre croissant dans la démarche artistique.

Mazamet constitue une autre étape et en plus, je ne savais pas que j'allais y revenir, dans des circonstances amoureuses, avec Régina, je ne savais pas que j'allais revoir cette ville, la Maison Fusier, où j'avais eé... tout cela est assez émouvant, et aussi surprenant, mystérieux. Quand on repasse quelque part, on retrouve les empreintes, les oeuvres d'art ; et c'est vrai que chaque lieu où l'on ee possède une sensibilité différente ; le peintre, s'il le souhaite, ne se déplace pas... en ce qui me concerne, je crois que je me suis déplacé à chaque fois, il est important de le dire, car j'accompagnais les oeuvres, mes oeuvres, avec presque la peur de les laisser seules ; c'est terrible, cette relation entre l'artiste et les oeuvres. Je n'ai jamais pensé que l'on puisse les abîmer, mais c'est comme un père qui accompagne son enfant, je craignais de les laisser seules dans une ville étrangère à mes propres émotions, à mes inspirations. Parfois, l'artiste n'arrive pas à s'exprimer car il est desservi par une galerie ; et lors d'une exposition, le peintre ressent des émotions fortes.

Je me souviens qu'à Paris, j'avais eé dans une galerie, le Soleil Bleu ; j'avais été estomaqué par le peu de personnes qui étaient venues à mon vernissage, j'en avais pleuré dans ma chambre d'hôtel, en me disant que mes oeuvres n'étaient pas bonnes... puis j'avais décidé d'aller plus loin dans ma démarche picturale et aujourd'hui, j'aimerais revenir à Paris, avec plein de monde, avec des gens qui apprécient et qui regardent, sans le moindre ostracisme envers un peintre provincial ; oui, je voudrais retourner à Paris, dans un certain temps, avec d'autres oeuvres, pour voir la différence.

Quant aux lieux de création, je songe à Collioure, les moments romantiques, les souvenirs d'amour... c'est un lieu de prédilection, où se rejoignent l'Amour, les couleurs, la peinture, tout ce qui peut m'émouvoir et me permettre ensuite de créer une oeuvre. Jérusalem encore, et les rues de Toulouse, aussi des impressions de montagne, des couleurs d'été dans la montagne, ou le Canal du Midi... C'est vrai que Collioure est un endroit idyllique, car il contribue à l'expression artistique ; et ce que j'ai vécu à Collioure, c'est l'Amour. Lieux de retrouvailles... il y a des endroits où l'on n'a pas envie de retourner, parce que l'on aura des pincements au coeur, parce que cela rappellera des histoires d'amour, on a fait beaucoup de chansons sur ce thème ; il est certain, par exemple, qu'en ce moment je n'aimerais pas trop me promener de l'autre côté de la Garonne... et je n'ai pas envie de peindre ce lieu, souvenir d'une femme. La femme, c'est l'équilibre. La femme, pour moi, c'est l'Amour.

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- St-Orens de Gameville (31), octobre 1997 -

- texte déposé à la Bibliothèque Municipale de Toulouse (31), décembre 1997 -


Mise à jour : 13 septembre 2011

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